TETRAA à l’Assemblée nationale !

Le programme TETRAA a organisé un colloque transpartisan à l’Assemblée nationale sur le thème : « Alimentation et agriculture : quel rôle des territoires ? », co-porté par 3 députés : Dominique Potier, Sandrine Le Feur, Marie Pochon.

Au terme d’une expérimentation qui aura duré 5 ans au sein de 9 territoires, les acteurs du programme TETRAA et leurs partenaires ont ainsi pu partager les enseignements et recommandations à destination des parlementaires, des services de l’Etat et des élus locaux, pour favoriser la transition à toutes les échelles. Découvrez ICI le document qui détaille ces recommandations.

Comment mettre en place des politiques territoriales de transition agroécologique et alimentaire ambitieuses ? Quels sont les freins rencontrés par les collectivités territoriales et leurs partenaires ? Comment l’Etat et l’Union Européenne peuvent soutenir ces politiques locales ?

70 participants (députés, sénateurs, agents des services de l’Etat, élus locaux…) étaient réunis à l’Assemblée nationale mercredi 13 novembre 2024 pour échanger sur ces enjeux.

Préambule de Dominique Potier

En introduction, Dominique Potier, Député de Meurthe-et-Moselle et Président du Pays Terres de Lorraine, a souligné l’importance de réunir la société civile et le Parlement, dans une optique de co-construction. Les enseignements et recommandations issus du programme TETRAA, ainsi que les travaux menés par les 9 territoires pilotes ces cinq dernières années ont permis de discuter collectivement d’un possible alignement entre les objectifs européens, nationaux et territoriaux. Les appuis proposés par le programme, notamment du co-financement de projets, ont permis de mettre en place des actions expérimentales, mais aussi de soutenir et de développer des actions structurantes pour le territoire et ses citoyens. Ils ont également permis de diffuser les projets et d’inspirer d’autres territoires partout en France sur de nombreux sujets : précarité alimentaire, changement de pratiques des agriculteurs, ou encore gestion et transmission du foncier agricole.

Dominique Potier note un mouvement de remise en cause de la transition écologique, qui a pour fer de lance la production. Pourtant la dégradation des écosystèmes, n’est-elle pas une perte de production à terme ? Le budget 2025, qui n’est désormais plus discuté à l’Assemblée nationale, proposait la suppression des crédits issus de France Relance, du plan protéines, du plan agroforesterie. Pourtant, nous devons mener nos combats non pas en opposant croissance et écologie, car la production de demain dépend de notre capacité à produire autrement aujourd’hui. Le mouvement social qui s’annonce remet en cause le Mercosur, mais aussi pour partie le Green Deal alors qu’il est urgent de défendre les politiques de transition. Les territoires sont, comme le dit très bien Christian Huyghe (Directeur scientifique Agriculture de l’INRAE), des fabriques du paysage, où peuvent être mises en place de nombreuses solutions régulatrices naturelles. Pour ce faire, le dialogue territorial est essentiel, il permet de faire vivre et faire apparaître le territoire comme un commun.

Animées par Samuel Féret, Directeur de programme Agriculture – Forêt à l’I4CE Institut de l’Economie pour le Climat et élu local, deux tables ont permis d’échanger les regards et de partager les expériences. 

Des territoires qui agissent pour la transition agroécologique et alimentaire à toutes les échelles 

Intervenants : 

-Christian Grancher, Vice-Président du Havre Métropole

-Sandrine Le Feur, Députée du Finistère et Présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire 

-Gilles Pérole, Adjoint au Maire de Mouans-Sartoux

Sandrine Le Feur est revenue sur l’importance de la volonté politique des élus locaux et sur la nécessité d’entamer des dialogues avec les acteurs et notamment les citoyens, en prenant exemple sur la plateforme Agrilocal mise en place dans le Finistère. Fruit de la collaboration entre le Département, la Chambre d’agriculture, la Maison de l’agriculture biologique et la Chambre des métiers et de l’artisanat, la plateforme a vu le jour en 2019 et permet de mettre en lien 166 agriculteurs avec 260 fournisseurs.

Gilles Pérole a quant à lui insisté sur le levier de la connaissance et la nécessité de travailler avec des chercheurs pour appuyer la construction des politiques publiques sur des données scientifiques étayées. La pertinence de l’échelle territoriale pour mettre en place des projets a également été soulignée. Ainsi les actions réalisées à l’échelle de la ville de Mouans-Sartoux, comme la cantine 100% bio ou la ferme municipale, ont permis de faire changer les pratiques et les comportements des habitants : 71% ont changé leurs pratiques, pour diminuer de 26% l’impact carbone des habitants lié à l’alimentation

A la communauté urbaine du Havre, Christian Grancher s’implique sur plusieurs sujets majeurs pour faire évoluer l’agriculture et l’alimentation du territoire : la gestion du foncier agricole, la logistique, la préservation de la ressource en eau, ou encore la commande publique, notamment via son engagement dans l’association France Urbaine.

Malgré la volonté politique des élus, de leurs équipes et de leurs partenaires, de nombreux freins entravent les projets de transition agroécologique et alimentaire. 

Tout d’abord l’absence de compétence “alimentation”, qui permettrait aux collectivités d’être légitimes à agir et surtout d’avoir des moyens associés. Le programme TETRAA a démontré que des moyens financiers et humains sont nécessaires pour initier de réelles transformations. Pour le moment, le financement des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) demeure divisé par 4 en 2025 alors même que leur nombre est passé de 40 en 2018 à 444 en juillet 2024.

Les territoires relèvent également un enjeu majeur de formation et d’accompagnement des élus et des techniciens de collectivités territoriales pour pouvoir créer et mettre en place des politiques de transition pertinentes et ambitieuses. 

Un autre frein majeur demeure la répartition de la valeur, pour des agriculteurs qui peinent à se rémunérer dignement de leur travail, et pour des consommateurs qui peinent à avoir accès à une alimentation de qualité. Les coûts environnementaux mais aussi sociaux n’étant pas pris en compte dans le prix de notre alimentation

Parmi les interrogations suscitées par la table-ronde : quelle est la bonne échelle de compétence ? La réponse diffère selon les sujets traités : pratiques agricoles, accès à une alimentation de qualité, structuration de filières… chaque échelon territorial peut être pertinent et c’est surtout une bonne articulation de ces différents échelons qui semble essentielle, afin de veiller au dialogue et à la complémentarité de chacun. 

Le modèle des fermes municipales a également été questionné. Alors qu’elles peuvent contribuer à l’approvisionnement local et durable de la restauration collective et proposer  un support pédagogique intéressant pour les citoyens, elles n’ont pas vocation à concurrencer les agriculteurs du territoire qui doivent eux aussi être épaulés pour répondre à la commande publique.

Des politiques publiques ambitieuses et cohérentes aux niveaux national et européen

Intervenants : 

-Aurélie Catallo, Directrice Agriculture France à l’IDDRI

-Pol Devillers, Vice-Président de Jeunes Agriculteurs

-Marie Pochon, Députée de la Drôme

Marie Pochon a eu l’occasion de partager le travail mené par son groupe concernant la Loi d’Orientation Agricole (LOA), adoptée par l’Assemblée nationale et actuellement au Sénat. Elle a déploré les lacunes du texte, notamment sur l’installation et le renouvellement des générations agricoles, sur les sujets fonciers, sur les questions relatives à la rémunération des agriculteurs, ou encore sur l’agroécologie et l’agriculture biologique. 

Pol Devillers a rappelé la nécessité d’exploitations viables, vivables et transmissibles pour réussir la transition, et a souligné le fait que les agriculteurs sont bien conscients du changement climatique, car ils en subissent les conséquences au quotidien. Les Jeunes Agriculteurs proposent des plans et contrats d’avenir pour accompagner les agriculteurs, qui débuteraient par des diagnostics territoriaux sur l’adaptation des productions agricoles, en incluant les pouvoirs publics et les collectivités. Ces contrats d’avenir permettraient  d’accompagner les agriculteurs en adoptant une approche territoriale et en embarquant l’Etat et les acteurs des filières. 

Aurélie Catallo a détaillé certains freins, en prenant exemple sur la filière légumineuses. Bien que l’objectif soit consensuel et que les avantages des légumineuses pour les sols, l’environnement et la santé ne fassent plus débat, le développement de ces cultures peine à accélérer. En cause ? La coordination des décisions prises aux différentes échelles (européenne, nationale, locale), la coordination de la recherche et du développement sur les variétés, ou encore celle du secteur privé pour assurer les débouchés et accompagner les industries agro-alimentaires. Le déficit de compétitivité avec d’autres pays (par exemple le soja et les pays d’Amérique du sud) ne permet pas non plus à la filière de prendre son envol, pâtissant alors d’un manque de régulations au niveau européen. 

Alors que la Politique Agricole Commune (PAC) est très discutée, Aurélie Catallo a fait remarquer qu’un nouvel objet politique européen semblait nécessaire pour faire évoluer les systèmes alimentaires, notamment en accompagnant les industries agro-alimentaires

Marie Pochon a souligné la nécessité de politiques européennes ambitieuses et cohérentes, en prérequis d’une territorialisation efficace de l’action en faveur de systèmes agricoles et alimentaires durables. Elle regrette l’opacité de certains textes, comme celui sur le Mercosur, en discussion depuis plus de 20 ans.

Enfin, Pol Devillers a mis l’accent sur la nécessité de clauses miroirs pour protéger les productions et les agriculteurs français. Alors que le dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture européenne était plutôt favorable et axé sur le renouvellement des générations, les discussions autour des accords de libre-échange inquiètent.

Le regard de Boris Tavernier

Boris Tavernier, Député du Rhône, a noté l’importance de s’appuyer sur des initiatives de terrain pour proposer des lois. Concernant les demandes de soutien financier de l’Etat envers les collectivités, les inquiétudes demeurent alors que le budget, contenant des amendements demandant 80 millions d’euros supplémentaires pour les PAT ou 20 millions pour un fonds de soutien pour les nouvelles solidarités alimentaires, a été rejeté par l’Assemblée nationale. 

Néanmoins, les députés peuvent avancer sur le cadre légal. Ainsi, une tribune publiée dans Libération et portée par des députés de gauche et du centre, demande une grande loi alimentation. La SNANC (Stratégie Nationale pour l’Alimentation, la Nutrition et le Climat), qui devait paraître en juillet 2023, n’a toujours pas été actée. Son objectif, de mettre en cohérence les différentes politiques publiques, semble pourtant louable. Cette mise en cohérence est importante dans un contexte où, pour le moment, les enjeux sont discutés en silo.

Si les enjeux environnementaux et sociaux sont pressants, il est essentiel de prendre le temps de discuter d’en discuter de manière transversale pour ne laisser personne de côté dans la transition alimentaire et agroécologique. A ce titre, les projets de caisses alimentaires dans les territoires sont très inspirants car ils créent des assemblées avec des citoyens très éloignés de ces sujets, dont souvent la moitié vivent la précarité, et qui peuvent ainsi monter en compétences.

Le Député du Rhône défend un droit à l’alimentation et soutient, avec le Député Charles Fournier, une loi d’expérimentation sur la Sécurité Sociale de l’Alimentation (SSA)

Colloque TETRAA assemblée nationale