Un territoire en phase d’accélération de sa démarche de transition agricole et alimentaire
En s’appuyant sur leurs acquis, leurs savoir-faire et des programmes cadres, les acteurs du Pays Terres de Lorraine ont engagé une transition systémique fondée sur la capacité de résilience du territoire. Son ambition est aujourd’hui de franchir un palier et d’induire un changement d’échelle en étendant les dynamiques et les synergies, notamment avec les territoires voisins du sud de la Meurthe-et-Moselle avec lesquels il partage un Projet Alimentaire Territorial et en s’appuyant sur la participation des habitants, notamment de ceux en précarité.
Les membres du collectif mobilisés dans le programme Tetraa :
- Chef de file Pays Terres de Lorraine
- Communautés de communes adhérentes du pays
- Terre de Liens Lorraine
- École Nationale Supérieure d'Agronomie et des Industries Alimentaires
- Chambre d’Agriculture de Meurthe-et-Moselle, Unité INRAE ASTER (AgroSystèmes Territoires Ressources) de Mirecourt
- Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle
- Ville de Toul
Présentation du territoire
Situé dans la région Grand Est, au sud-ouest de Nancy, le Pays Terres de Lorraine est la structure de coopération de 4 communautés de communes rurales et périurbaines. Le territoire est emblématique des reliefs de cuestas de Lorraine. La topographie fait apparaître de forts contrastes entre des plateaux calcaires secs agro-sylvicoles, la plaine agricole humide de la Woëvre et la vallée de la Moselle. A l’ouest, les Côtes de Toul accueillent un vignoble réputé. On note la présence de nombreux milieux naturels remarquables, mais les mutations récentes de l’agriculture et l’urbanisation demeurent des menaces pour la biodiversité locale. Les effets du changement climatique sont déjà une réalité sur ce territoire menacé par l’assèchement des sols.
L’empreinte industrielle a diminué au cours des dernières décennies et des poches de pauvreté sont identifiées dans les villes et bourgs centres ruraux. L’accueil de jeunes ménages de la métropole nancéienne génère un renouvellement important et régulier de la population mais fragilise le vivre ensemble dans certaines communes.
Les exploitations sont orientées vers la polyculture-élevage. L’accès au foncier est difficile pour les exploitants hors cadre familial. Près de la moitié des agriculteurs est engagée dans une démarche de préservation de l’environnement avec le développement de pratiques agroécologiques mais la plupart d’entre eux n’ont pas encore adopté de démarche systémique. 21% des exploitations sont en bio.
Enjeux et objectifs
Le collectif veut faciliter l’accès à la terre et la transmission des exploitations pour consolider le socle productif agricole et générer ainsi de nouvelles activités directes et indirectes. En particulier, il est nécessaire d’augmenter les productions destinées au marché local (part de marché estimée à 1 à 2 % à l’échelle du PAT Sud 54) et de structurer les filières alimentaires de proximité, tout en luttant contre les inégalités dans l’accès à l’alimentation. Un autre enjeu fort est de préserver les biens communs que sont les sols, l’eau et la biodiversité et de lutter contre le changement climatique.
Le projet de transition
La transition est le fil rouge du projet de territoire du Pays Terres de Lorraine. Depuis 2016, des étapes importantes ont été franchies pour consolider les orientations en faveur de la transition dans le champ agricole et alimentaire :
- – Le colloque « Vers un projet alimentaire territorial », qui s’est tenu en 2016 a permis de poser les enjeux de la transition agricole et alimentaire dans une approche transverse et multi acteurs. Il constitue le point de départ d’une démarche territoriale intégrée ;
- – La démarche « De la dignité dans les assiettes », engagée en 2016, vise un changement des regards, des méthodes et des pratiques dans la lutte contre la précarité alimentaire ;
- – La définition d’une trajectoire pour l’agriculture et l’alimentation à l’horizon 2030 et 2050 dans le cadre d’une mission d’accompagnement au suivi-évaluation du programme TETRAA a fait l’objet de plusieurs réunions en 2023. L’objectif de cet exercice de prospective était de définir collectivement des ambitions partagées entre monde agricole, collectivités locales et société civile et a permis de définir 11 défis à relever pour le pays d’ici 2050.
Les initiatives clés
Dans le cadre de la démarche « De la dignité dans l’assiette », le territoire vise un accès digne et durable à une alimentation de qualité, en particulier pour les personnes précaires. Cette démarche s’appuie sur une participation directe des personnes, en s’inspirant des méthodes développées par ATD Quart Monde. Les projets mis en place dans le cadre de cette démarche sont nombreux :
– un groupement d’acheteurs de produits sains et locaux (Emplettes & cagettes),
– un réseau de jardins partagés nourriciers,
– Les Mots de la Faim, une pièce de théâtre sur l’accès à l’alimentation et la précarité alimentaire suivie d’un film « Et maintenant on fait quoi ? »n
– des laboratoires d’usage pour poser ensemble des Constats, construire des Analyses et faire des Propositions (labo CAP).
Les citoyens et les collectivités locales s’impliquent pour préserver le foncier agricole et installer de nouveaux agriculteurs en mobilisant des partenaires comme Terre de liens et le GFA Côtes à Côtes. Afin d’amplifier ces initiatives, le Pays et ses partenaires procèdent à un recensement du foncier agricole auprès de ses 153 communes.
Le programme LEADER est un autre levier important que le Pays mobilise pour encourager la diversification agricole, le développement des productions locales et la structuration des filières courtes afin de fixer la valeur ajoutée sur le territoire.
D’autres initiatives ambitieuses peuvent être mentionnées, telles que l’expérimentation « Cultivons mellifères », qui a pour objectif de sensibiliser les agriculteurs à la sauvegarde des abeilles, de capter le carbone, d’augmenter la biodiversité et plusieurs actions de préservation de la qualité de l’eau, notamment le programme Agri MIEUX, décliné sur le bassin versant du Madon.
Plus de produits locaux et durables dans la restauration collective
Le pays a lancé un accompagnement, sur 2 volets, pour favoriser les produits locaux et durables dans les menus de la restauration collective :
-accompagnement d’établissements de restauration collective pour les aider à augmenter leur part de produits locaux et de qualité (EGALIM) via la rédaction de leur cahier des charges pour la commande publique.
-accompagnement des producteurs et de leurs groupements pour faciliter leur réponse à la commande publique, via différents leviers comme le contrat gré à gré ou les “minis lots”.
En 2024, 6 acheteurs de la restauration collective (représentant 6 300 repas/jour) (représentant 6 300 repas/jour) et une quinzaine de producteurs ont été accompagnés afin de mieux travailler ensemble et envisager des solutions opérationnelles.
Le pays participe au groupe de travail pour la création d’une plateforme physique de commercialisation et de services, associée à une plateforme digitale de référencement et de commande en ligne, dans le cadre du PAT Sud 54 avec la métropole du Grand Nancy.
L'interview territoire
Dominique Potier – Président du Pays Terres de Lorraine et Député de Meurthe-et-Moselle
Je suis convaincu que le sol, la question de sa protection et de son partage, est un enjeu politique majeur du 21e siècle. Aujourd’hui, il est capital à mon sens d’expliquer que santé humaine, animale, végétale et des sols sont intrinsèquement liées. Les travaux parlementaires et scientifiques conduisent aux mêmes conclusions : partout où la terre est accaparée, le sol et la société s’appauvrissent. Il y a un lien indéfectible entre le partage, la justice et la santé.
Il m’importe à travers les programmes que nous menons sur le territoire, d’agir sur ces enjeux à travers 3 volets. Le 1er vise à associer les publics les plus défavorisés à la recherche d’une alimentation de qualité pour tous : c’est le sens de notre partenariat avec ATD Quart Monde. Le 2ème vise à réaliser une cartographie des sols sur un territoire donné afin d’éclairer les élus qui en ont la charge sur les conséquences des politiques foncières avec des indicateurs comme le prix de l’eau dans 10 ans, la valeur ajoutée économique et sociale mais aussi l’impact sur le dérèglement climatique. Le 3ème concerne la montée des certifications bio et HVE 3 visant 50% du territoire sous signes de qualité d’ici 2030. Nous conduisons en parallèle une réflexion sur l’évolution des cahiers des charges pour y intégrer les dimensions carbone et sociale, qui manquent terriblement à ces certifications.
Le programme TETRAA est d’une grande richesse via :
-L’aiguillage sur des thématiques et l’ouverture à de nouvelles idées
-La découverte d’expériences enrichissantes et inspirantes
-Les méthodologies et outils proposés
-L’élargissement du réseau
-Le financement permettant un effet levier sur des projets plutôt innovants.
Le programme TETRAA a joué le rôle d’accélérateur de particules dans la mise en place d’un projet de transition agricole et alimentaire territorial. L’approche systémique des enjeux de transition, les apports méthodologiques et en expertise ont clairement aidé le territoire à franchir un palier : partage des enjeux globaux, définition d’une stratégie et d’objectifs à l’horizon 2030 et 2050 dans le cadre d’une trajectoire de transition agricole et alimentaire qui a fait l’objet d’une large co construction.
Ressources
En savoir plus
Retrouvez PeggyDangelser, en charge des questions agricoles et alimentaires au Pays de Terres de Lorraine (Région Grand-Est) qui présente les initiatives mises en place dans son territoire pour répondre aux défis de l’agriculture et de l’alimentation de demain.
https://www.terresdelorraine.org/fr/projet-alimentaire-territorial.html
https://www.terresdelorraine.org/fr/de-la-dignite-dans-les-assiettes-1.html