Retour sur la formation des élus à Blois et Bourg-en-Bresse : l’exploration du champ des possibles
Les 21 et 25 février 2022 se sont déroulées deux journées de formation dans deux territoires pilotes du programme TETRAA, respectivement le Pays des Châteaux et Grand Bourg Agglomération. Ces deux journées font suite à une première session qui avait été organisée dans le Douaisis, autre territoire pilote, en novembre 2021.
Pour accélérer la transition agroécologique et alimentaire des territoires, la formation des élus est primordiale. En effet, ces derniers font face à une ambition qui appelle à revisiter les modalités d’intervention, de la posture de l’élu au décloisonnement des services en passant par l’instauration de nouvelles formes de coopération avec les partenaires institutionnels, associatifs ou économiques.
La transition alimentaire des territoires est une jeune ambition, un sujet innovant qui implique d’agir de concert sur des domaines divers tels que la maîtrise du foncier, la gestion de l’eau, le développement de circuits alimentaires de proximité, l’approvisionnement des cantines en produits de qualité, la réduction du gaspillage alimentaire, la préservation de la biodiversité et des écosystèmes naturels. Il s’agit également d’explorer de nouveaux enjeux comme la santé par l’alimentation, l’accessibilité des produits de qualité aux publics précaires ou encore la coopération dans les filières. Une diversité de sujets sur lesquels les collectivités locales ont un rôle central à jouer.
L’objectif de cette formation « Engager et vivre la transition agricole et alimentaire sur ma commune, mon territoire » ? Permettre aux élus de mieux comprendre les enjeux de société autour de l’agriculture et de l’alimentation et les leviers à leur disposition pour initier une transition des systèmes alimentaires territoriaux. Au total, ce sont cinquante élus locaux qui ont été sensibilisés et formés.
Recueillir les besoins : Parler, échanger et surtout écouter
Les premières heures dédiées à l’expression des besoins et au partage des enjeux de l’alimentation durable ont été riches d’enseignements pour tous. L’essentiel de ce moment était à la fois de définir les périmètres d’intervention possibles et surtout d’écouter les uns et les autres exprimer leurs besoins, leurs initiatives, leurs réalités quotidiennes, leurs marges de manœuvre pour changer de pratique. Une occasion rare de revisiter collectivement les notions complexes comme la systémique, la transversalité et les enjeux économiques de la structuration de filières de proximité.
Les élus sont en attente de solutions pratiques, mais aussi de cadres méthodologiques éprouvés pour la réalisation de projets agricoles, de restauration collective, de construction de filières locales ou d’accompagnement des habitants, notamment les plus précaires. Comment démarrer, qui associer, quels dispositifs mobiliser, quelle posture adopter, sont autant de questions à résoudre pour les élus. Parfois, ces derniers expriment leurs besoins à partir d’une problématique spécifique qu’ils rencontrent chez eux : comment redynamiser les commerces de mon village, comment approvisionner ma cantine scolaire en produits de qualité et de proximité, alors qu’il n’y a pas de fournisseurs locaux identifiés, comment répondre aux attentes de mes administrés et les impliquer directement dans les projets ? Autre question centrale : les projets innovants existent, mais comment leur donner de l’ampleur, assurer leur pérennité et leur essaimage et concourir in fine à un véritable changement d’échelle des initiatives à l’œuvre ?
La transmission par le récit des expérimentations
La valeur ajoutée de ces journées réside aussi dans les récits d’expériences des acteurs de ces territoires, dans la prise de recul sur leurs pratiques et sur leur posture stratégique tout au long du chemin tortueux de l’expérimentation.
Les propos d’élus engagés qui témoignaient lors de ces journées ont permis de mettre en lumière les incontournables de la posture de l’élu pour rendre opérationnelle la transition alimentaire, parmi lesquels :
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- – Construire sa légitimité et en premier lieu son discours politique afin d’énoncer clairement une ambition, un cap et donner du sens : « Pourquoi agit-on sur ce domaine, et avec quelles visées stratégiques ? ». Ensuite, il convient de faire voter une délibération cadre sur l’agriculture et l’alimentation, afin d’assurer un portage politique fort avec des objectifs chiffrés et des financements associés.
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- – Identifier l’existant et le prendre en compte, s’appuyer sur des acteurs moteurs, des ressources et des initiatives concrètes.
- – Générer des projets collectifs qui font sens : il faut de la méthode pour inviter les acteurs en présence à « déposer les armes », à dépasser leurs divergences pour travailler sur des ambitions communes, en favorisant les liens et les temps d’échange. C’est d’abord une posture : « Il ne faut pas chercher à convaincre, il faut créer le dialogue ! ». Cette posture implique de s’outiller pour soigner l’animation et favoriser ce dialogue. Former les équipes à l’animation et les élus au changement de posture parait indispensable. Il reste également à inventer des modes d’action pour susciter la rencontre entre structures d’univers différents, par exemple en proposant des appels à projets qui incitent à des coopérations nouvelles.
- – Construire les partenariats : élaborer une gouvernance partagée pour piloter des projets, c’est aller à la rencontre des partenaires et identifier les finalités communes et les points de convergence, c’est adopter une posture politique qui ne soit pas descendante, c’est travailler avec les communes, les organisations professionnelles, les opérateurs économiques, les institutions, et organiser des rendez-vous réguliers pour favoriser l’échange et l’interconnaissance.
- – Savoir s’entourer des personnes ressources, techniciens ou experts, et être attentif au respect des rôles dans le binôme élu-technicien. L’élu n’est pas technicien, il affiche ses convictions, ses ambitions et son cap, pour permettre aux agents de mettre en œuvre les actions en suivant une feuille de route claire.
- – Créer les conditions de la transversalité par le décloisonnement des services, par exemple en créant des postes d’agents en charge d’animer des projets qui concernent plusieurs services.
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Comment créer de l’interconnaissance entre opérateurs de la filière alimentaire ?
A titre d’exemple, c’est la création d’un Conseil Local de l’Alimentation (CLA) qui a permis au Pays des Châteaux de réunir la diversité des intervenants de la filière alimentaire locale : agriculture, distribution, agroalimentaire, tourisme, élus… Ce CLA a pour fonction de proposer des axes et actions pour la programmation du projet alimentaire territorial et représente le lieu d’échange et d’interconnaissance privilégié de ces professionnels qui se côtoient peu.
Une restauration collective en pleine mutation
A l’écoute des témoignages, nul doute qu’il y a aujourd’hui de nombreux outils et dispositifs à la disposition des collectivités pour promouvoir l’introduction significative de produits locaux et de qualité en restauration collective. Le pôle territorial Bresse de Grand Bourg Agglomération, cellule d’appui aux projets transversaux, a ainsi accompagné le groupement de commande de quatre restaurants municipaux dans sa démarche qualité. Sur le Pays des Châteaux, une Société Publique Locale (SPL) est en réflexion pour permettre à la ville de Blois et à d’autres communes proches de s’associer pour construire des filières locales d’approvisionnement et accroître ainsi la qualité alimentaire des repas servis en allant vers une part très conséquente de produits bio et de qualité. A Vineuil, dans le département du Loir-et-Cher, le travail mené sur le gaspillage alimentaire, la commande publique et la formation des salariés, a été payant pour réussir à proposer des produits de qualité tout en conservant la maîtrise des coûts.
La maîtrise du foncier pour la préservation de la vocation nourricière des terres
Les leviers juridiques et les ressources pouvant être mobilisés sont nombreux dans ce domaine. Reste à savoir les articuler et les mettre en cohérence pour protéger les terres agricoles d’une part, et s’entourer des compétences locales pour aider au maintien ou au développement de l’activité agricole sur ces zones d’autre part.
Un dispositif comme la Zone Agricole Protégée (ZAP), mise en place dans la commune de Mont-près-Chambord, dans le département du Loir-et-Cher, a permis de préserver 800 hectares de terres agricoles. Sorte de servitude d’utilité publique sur l’affectation des sols, cette démarche implique d’instaurer un dialogue avec les agriculteurs et les propriétaires terriens concernés sur les enjeux à court, moyen et long terme de la préservation du foncier agricole. Lors de la journée à Bourg-en-Bresse, l’ARDEAR, l’Association Régionale pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural, nous a présenté son métier d’accompagnateur de projets d’installation agricole ou de transmission des fermes. Au-delà des problématiques techniques qui se posent, ce sont avant tout des projets de vie, liant des dimensions personnelles et professionnelles, qu’il est essentiel de comprendre dans toute leur complexité et d’ancrer dans le territoire. La collectivité locale a un rôle essentiel dans cet ancrage, par un travail de veille sur la disponibilité actuelle et les cessions à venir de terres, mais également pour aider le porteur de projet à créer des liens avec des partenaires locaux qu’il n’a pas forcément identifiés.
Un séminaire du programme TETRAA est prévu au deuxième semestre 2022 pour traiter de ce sujet central qu’est la maîtrise du foncier. En effet, sans terre, pas de production alimentaire.
La présentation d’initiatives déjà engagées sur ces territoires confirme les dynamiques à l’œuvre vers une transition alimentaire. Cependant, les élus ont besoin d’échanger sur leurs projets et d’identifier des leviers pratiques et méthodologiques pour aller plus loin dans leur démarche. Ces journées ont ainsi été l’occasion de partager les expériences et les ambitions. Une exploration du champ des possibles qui s’est trouvée confortée par le cadre législatif et les différents dispositifs nationaux (Programme National pour l’Alimentation, PNNS, loi Egalim, loi Climat et Résilience) que nous ont présentés les DRAAF. Ces derniers comportent de nombreuses dispositions favorables aux dynamiques de transition.
Lors du tour de table de fin de journée, les élus ont exprimé un très bon niveau de satisfaction quant aux initiatives, outils et méthodes présentés et aux réponses concrètes qui leur ont été apportées. Ils ont également apprécié de découvrir les nombreuses structures et dispositifs d’accompagnement à leur dispositi
on. La richesse des échanges les a convaincus qu’il était essentiel de se rencontrer entre pairs pour accélérer leur propre projet. De manière générale, ils déplorent la difficulté à mobiliser les élus moins convaincus. Une journée, c’est long, et pourtant presque trop court pour aborder la diversité des thèmes qui mènent à la réalisation d’un projet de transition alimentaire. Ils ont mentionné que le succès réside souvent dans une posture de dialogue ouvert qui permet de générer des projets collectifs qui ont du sens. A l’issue de cette première étape du cycle de formation proposé par le programme Tetraa, les domaines qu’ils souhaitent approfondir sont de plusieurs types : la précarité alimentaire, les techniques de coopération, les leviers de la mobilisation des acteurs, les pratiques agricoles et la place des agriculteurs dans les projets, la commande publique, le maillage du territoire en outils de transformation à taille humaine (abattoir, légumerie…) et le lien avec l’économie sociale et solidaire.
Le programme Tetraa donne rendez-vous aux élus les 9 et 10 juin 2022 à Arras pour la suite du cycle de formation qui permettra d’approfondir le thème de la transition agroécologique et alimentaire par des rencontres, des ateliers et des visites de terrain.